Olivier Libaux
6 octobre 2021Suite au décès brutal d’Olivier Libaux avec qui je formais le duo Les Objets au début des années 90, voici deux textes écrits à chaud que l’on peut retrouver sur Télérama.fr et GonzoMusic.fr.
Télérama : Avec Olivier, on écrivait des chansons. Nouvelle Vague a valorisé ses talents de guitariste-réalisateur, mais c’était d’abord un compositeur d’une grande élégance et d’une grande finesse. On écrivait donc des chansons, et à l’époque, ça suffisait. On a signé chez Columbia avec des maquettes enregistrées à la maison sur un magnétophone 4 pistes. C’était en 1990. Moi, ça me semblait impossible de signer en maison de disque, mais lui ne se voyait pas faire autre chose que ça. Et ça, il l’a fait, toute sa vie, autour du monde même, et c’était ce qu’il voulait par-dessus tout. Comme quoi, des fois, le talent suffit.
Bien sûr je nous revois empiler les pistes dans sa piaule, marcher sur les plages du boulonnais, prendre le ferry pour Londres… Je me souviens des sessions de cordes à Abbey Road, les clips avec Michel Gondry… On rigolait beaucoup aussi, avec Christophe, l’ami de toujours, avec Fred, notre truculent directeur artistique. Je nous revois aussi entendre La Saison des mouches chez Bernard Lenoir et c’était le plus beau jour de notre vie.
à bientôt,
Jérôme
Sur GonzoMusic, je raconte notre histoire :
Olivier fait partie de ces autodidactes qui ont appris la musique est jouant sur des disques. Il était capable de jouer un air qu’il venait d’entendre pour la première fois et ça m’avait toujours fasciné (voire complexé !).
J’ai d’abord connu son frère Antoine qui jouait dans un groupe de potes d’Hardelot (à côté de Boulogne) avec lequel il m’arrivait de souffler (mal) dans un saxophone. Une partie du groupe s’est retrouvée à Paris pour les études, puis Olivier nous a rejoint et on s’est finalement retrouvé à trois. Antoine est parti faire son service à l’étranger et nous voilà tous les deux avec une guitare, des synthés et une boite à rythme.
Olivier avait commencé des études de lettres, mais il ne se voyait pas faire autre chose que de la musique. Moi, ça me semblait irréaliste. On ne connaissait personne dans le milieu, ce qu’on faisait me semblait trop loin des « standards» usuels, même si le succès d’un Daho ou d’un Murat était encourageant.
On a bossé quelques titres assidument sur un magnéto 4 pistes. On a envoyé des K7 à : JD Beauvalet des Inrocks dont on avait remarqué la passion pour les Smiths et le Monochrome Set (on est en 88/89, c’est la deuxième K7 qu’ils reçoivent…), à Étienne Daho, à Daniel Chenevez de Niagara et à Francis Dordor chez Best à l’époque. JD et Daho nous appellent et nous laissent des messages du genre « super votre K7, je vais en parler à un gars chez Virgin», et Chenevez en parle au DA de Polydor. C’est juste incroyable.
RV à Polydor, et surtout on rencontre plusieurs fois Fred Rebet, DA junior aux éditions Virgin. On sent qu’on a vraiment des choses en commun, on écrit des nouveaux morceaux qu’on partage avec lui… Il devient DA junior chez Columbia et nous signe. Il réussit à convaincre ses supérieurs avec un titre un peu «variète» : «Mes souvenirs». Une fois signé, avec sa complicité, on décide de le mettre au placard et c’est la face B, « La saison des mouches», bien plus originale, qui passe en face A !!! On fait aussi un peu la révolution là-bas en refusant d’avoir nos tronches sur la pochette et en confiant tout notre travail graphique à Christophe Portier, ami d’enfance d’Olivier, inconnu au bataillon. `
Tout ça était juste incroyable.
Et il y a eu toutes ces premières fois : le studio, ton disque entre tes mains, ton disque dans les bacs, l’écoute de « La saison des mouches » chez Lenoir, ton nom dans les Inrocks (revue culte à l’époque), et puis dans plein d’autres journaux, les premiers concerts…
On a vécu ça ensemble. On en rêvait depuis qu’on était gamin et on l’a fait. Alors forcément… Merci Olivier.
Sans ton talent incroyable, sans ta persévérance, je n’aurai jamais pu vivre tout ça. Musicien.
Merci à François Gorin et Gérard Bar-David.